impédance et capacité de la peau
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J'ai jadis rencontré des effets étranges avec des fils dans de l’eau ou des doigts effleurant une surface métallique. À l'époque, je voulais mesurer l'humidité du bois en y vissant des électrodes en inox. Malheureusement, les propriétés de ces contacts changeaient vite, et le courant diminuait. Une charge pouvait s'accumuler sur les contacts, et je pouvais même mesurer une tension durant quelques secondes après déconnexion de l'alimentation. Je décidai d'appeler cela une batterie en bois. Bien plus tard, je compris qu'une double couche de molécules d'eau formant un condensateur à double couche était en cause. J'ai éclairci ce mystère grâce à d'autres mesures.
Mesure de l'impédance de la peau
Les mesures débutèrent avec la mise au point d'un conductimètre à µcontrôleur pour la peau humaine (fig. 1) qui fut finalement utilisé comme détecteur de mensonges. J'ai mesuré avec un signal alternatif ou, plus exactement, une courte impulsion positive suivie d'une impulsion négative de mêmes durées. Les mesures de conductivité furent étonnamment basses. Un multimètre standard indique une résistance d'environ 1 MΩ entre les deux électrodes de contact, mais l'instrument à µcontrôleur donne autour de 10 kΩ.
Une rapide recherche en ligne sur ce sujet vous convaincra que l'impédance de la peau dépend de la fréquence. La conductivité augmente avec la fréquence. De plus, l'impédance diminue si la tension augmente. Il y a plusieurs raisons d'effectuer de telles recherches. Il fut un temps où il s'agissait d'étudier les dangers de l'électricité. Les chercheurs mesurèrent l'intensité du courant pouvant circuler dans le corps humain dans diverses conditions. Cela révéla que l'impédance entre les deux mains du corps ne fait que quelques milliers d'ohms, et que celle de la peau prédomine. Sous une tension alternative élevée, la résistance de contact devient très faible et l'impédance interne est prépondérante. Les commotions électriques sont donc plus dangereuses que la mesure à l'ohmmètre pourrait le faire croire.
L'autre axe de ces recherches concerne le domaine médical. L'objectif est d'étudier le fonctionnement des électrodes d’ECG ou ce qu'on peut déduire de l'impédance corporelle. Ces investigations montrent que la résistance de contact peut changer au cours de l'expérience et être influencée par une solution saline. Globalement on voit que la peau est un organe très complexe.
Un circuit équivalent à la peau
Ce que l'électronicien, amateur ou non, souhaite en fait, c'est un circuit équivalent utilisable pour les petits signaux. Jusqu'à présent, on admettait qu'une résistance de l'ordre de 100 kΩ à 1 MΩ faisait l'affaire, mais cela ne semble vrai que pour les faibles tensions CC jusqu'à 9 V environ. Le comportement de la peau est différent en CA. Pour l'étudier, j'allumai mon générateur d'ondes sinusoïdales et réalisai un diviseur de tension avec deux doigts de ma main et une résistance fixe de 10 kΩ.
Les mesures sous faible tension autour de 1 V (fig. 2) montrent que le courant est une sinusoïde sans distorsion notable (fig. 3). La forte dépendance en fréquence est également confirmée. Entre 1 kHz et 10 kHz, l'impédance chute d'un facteur 10 environ. Ma main avec ses deux électrodes en fil se comporte à peu près comme un condensateur. La comparaison avec différents condensateurs de mon stock démontra une capacité équivalente de 3,3 nF.
Le processus de mesure peut être globalement simplifié avec un signal carré (fig. 4). À cet effet, j'utilisai le signal de test de l'oscilloscope : 0,2 V d'amplitude, fréquence de 1 kHz. Il ne s'agit pas d'une tension CA, mais d'une tension CC pulsée. Elle fait 0 V pendant 0,5 ms, puis 0,2 V pendant 0,5 ms. Ce signal peut être vu comme une tension continue de 0,1 V à laquelle on superpose un signal carré de 0,1 V d'amplitude crête.
Le résultat est la forme type d'onde d'impulsion d'un filtre passe-haut RC (fig. 5). La composante continue du signal de mesure prouve que la conductivité continue est insignifiante, sinon le signal de sortie serait sensiblement décalé dans la région des impulsions. Cela confirme aussi que la peau avec deux électrodes filaires se comporte comme un condensateur de quelques nanofarads. En parallèle, il y a une résistance élevée d'environ 1 MΩ.
Une explication
La capacité de plusieurs nanofarads malgré la très faible surface de contact des fils m'a fait penser que le condensateur réellement formé ici est à double couche. L'humidité de la peau produit un film d'eau sur la surface métallique. Une double couche de molécules d'eau polarisées se forme à l'interface. Le principe serait exactement le même que celui d'un supercondensateur dont le revêtement de graphite fournit une interface particulièrement grande.
Deux fils de cuivre dans de l'eau pure peuvent former ce type de condensateur (fig. 6). Le circuit de mesure reste le même. Pour obtenir des résultats comparables, les fils ne doivent être immergés que d'environ 1 mm dans l'eau.
Les mesures (fig. 7 et fig. 8) montrent que la capacité du verre d'eau à deux électrodes est supérieure à celle de ma main. La forme d'onde permet d'évaluer la capacité, mais on peut aussi le faire par comparaison avec d'autres condensateurs. Le condensateur à eau a à peu près le même effet qu'un condensateur à film de 47 nF, malgré la très petite surface des électrodes immergées d'environ 1 mm dans l'eau. Si d'aventure vous vouliez une capacité plus élevée, aucun problème !
En résumé, le résultat est clair : l'impédance de deux doigts avec des contacts filaires correspond au circuit équivalent de la fig. 9. Le résultat exact peut toutefois fortement varier d'une personne à l'autre et dépend bien sûr directement de la surface de contact, du taux d'humidité instantané de la peau et de la pression de contact.
En examinant de plus près ce condensateur, nous voyons qu'en fait il y en a deux. Le diélectrique de ces condensateurs est la fine couche d'eau entre la peau et l'électrode métallique. À cela s'ajoute l'impédance interne du corps, par ex. celle qui existe entre deux doigts. Au total, le circuit équivalent est donc plus complexe (fig. 10). L'impédance interne est difficile à déterminer, et pour des raisons de simplicité, on suppose qu'elle est d'1 kΩ.
Quand la fréquence augmente, l'impédance du condensateur de peau diminue. L'impédance interne devient alors prépondérante. Je l'ai appris à mes dépens avec des expériences douloureuses dans le domaine de la radio amateur : toucher accidentellement le connecteur de sortie d'un émetteur à ondes courtes ne produit pas de commotion électrique, mais une brûlure au doigt. Cette brûlure est cependant tout à fait différente de celle causée par le contact avec un fer à souder chaud : il ne se forme pas de cloque, et la sensation est très différente. L'échauffement se produit clairement sous l'épiderme, dans les tissus cutanés plus profonds à conductivité plus élevée, en particulier là où la densité de courant est la plus forte.
Application: capteur tactile
Une clé Morse automatique à capteurs tactiles est une application possible du condensateur de doigt. J'ai utilisé un µcontrôleur ATtiny85 (fig. 11) et deux capteurs tactiles d'une radio FM (fig. 12). Dans la radio, des transistors amplifiaient le courant des capteurs, c'est donc la résistance de la peau qui était détectée. L'inconvénient est qu'un encrassement peut entraîner des dysfonctionnements.
Une méthode de détection dans laquelle le µcontrôleur mesure le temps de charge du condensateur formé par le doigt est nettement plus fiable (voir le listage 1).
Listage 1. Clé Morse.
’ ELbug avec capteurs tactiles
$regfile = "attiny85.dat"
$crystal = 8000000
$hwstack = 8
$swstack = 4
$framesize = 4
dim n as byte
ddrB = &B00011010
Portb = 0
Do
DDRB.3 = 0 ’ B3 hte impédance
Portb.3 = 1 ’ pullup
waitus 10
if PINB.3 = 0 then ’ tjrs bas après 10 µs ?
portb.3 = 0
ddrb.3 = 1
for n = 1 to 50 ’ sortir point
PortB.1 = 1
waitms 1
portb.1 = 0
waitms 1
next n
waitms 100
end if
portb.3=0 ’ décharge B3
ddrb.3 = 1
DDRB.4 = 0 ’ B4 hte impédance
Portb.4 = 1 ’ pullup
waitus 10
if PINB.4 = 0 then ’ tjrs bas après 10 µs ?
portb.4 = 0
ddrb.4 = 1
for n = 1 to 150 ’ sortir tiret
PortB.1 = 1
waitms 1
portb.1 = 0
waitms 1
next n
waitms 100
end if
portb.4=0 ’ décharge B4
ddrb.4 = 1
waitus 10
Loop
End
À cet effet, un port (B3, B4) est d'abord configuré en sortie et commuté à l'état bas pour décharger le condensateur. Ensuite, il est mis à l'état haute impédance et la résistance de polarisation interne (environ 50 kΩ) est activée. Le condensateur du capteur commence alors à se charger. Le point critique est le moment où la tension du port franchit le seuil d'environ 0,5 VCC. Pour notre tâche, il suffit d'attendre 10 µs, puis de lire l'état du port. Si un état bas est détecté à ce moment-là, la touche est considérée comme enfoncée. Et un signal rectangulaire servant de tonalité de retour est envoyé au haut-parleur piézoélectrique connecté à B0. La figure 13 illustre le cas d'un effleurement trop léger. Dans ce cas, les impulsions montent à 4 V en 10 µs, on considère donc que la touche n'est pas enfoncée.
Dans le numéro hors-série d'Elektor qui paraîtra cet été, je présenterai deux applications : le condensateur à doigts et l'orgue à deux doigts. D'ici là, je vous souhaite beaucoup de plaisir avec vos propres expériences !
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