visite à domicile nouvelle cible
Ilse Joostens (Belgique) et Eric Bogers (Elektor)
Les origines du dispositif présenté ici remontent à plusieurs années, comme nous le raconte Ilse :
« C’était il y a environ 20 ans. Je vivais à Termonde, et la célibataire que j’étais avait besoin de distractions sociales. Le hasard a voulu qu’il y ait près de chez moi un club de tir, je m’y suis donc inscrite.
On y pratiquait des séances de fun shooting, un jeu consistant à tirer sur des balles de ping-pong flottant sur de l’air comprimé. Le truc pénible, c’est qu’une fois les balles touchées, il nous fallait décharger nos armes (par sécurité) et attendre que quelqu’un place de nouvelles balles. De là est née l’idée d’un tube d’alimentation qui guiderait les balles jusqu’au flux d’air et qui serait commandé par un bouton. Mais comment faire pour qu’une seule balle arrive à la fois ? Personne n’en savait rien. J’ai dessiné une idée de mécanisme sur une feuille de papier, mais en fin de compte n’en ai rien tiré de concret. »
Ilse était alors conceptrice indépendante, spécialisée dans les composants vintage comme les tubes Nixie et les afficheurs fluorescents (les VFD). Le choix de se spécialiser avait été motivé par des raisons pratiques : beaucoup de choses avaient déjà été conçues, et la concurrence de la Chine* était déjà forte. Une niche s’imposait.
* Durant la crise de la Covid-19, les Chinois ont acheté aux Russes les stocks de tubes Nixie restants. L’indisponibilité de l’horloge Nixie à six chiffres d’Elektor vient en partie de là.
« Sur un plan personnel, la pandémie et ses confinements ont été pour moi synonymes d’inactivité et d’ennui. Mon club de tir avait fermé, alors pour m’entraîner à la maison et passer le temps j’ai acheté des pistolets à air comprimé et à billes. »
Côté professionnel, la pénurie de tubes Nixie et de plexiglas (elle aussi due à la pandémie) força Ilse à trouver une nouvelle orientation à ses projets. C’est alors que lui revint en mémoire le dispositif d’alimentation des balles de ping-pong. Son idée était de réaliser avec de l’air comprimé l’équivalent des jeux de fête foraine où le tireur doit toucher des balles de ping-pong flottant sur un jet d’eau (figure 1).
« Je n’en suis pour l’instant qu’au stade du prototype. Pour le flux d’air, j’ai utilisé un ventilateur 9BMC24P2G001 de Sanyo Denki. Il n’est hélas pas donné, mais il produit un flux d’air vigoureux et sa vitesse se commande par MLI. Or c’est justement en modulant l’intensité du flux d’air qu’il est possible d’obtenir des mouvements verticaux irréguliers de la balle de ping-pong, et donc d’en faire une cible intéressante. Le flux d’air passe par une boîte en bois surmontée d’un cylindre et d’un entonnoir orienté vers le haut, ce qui augmente fortement le débit d’air (figure 2). L’ensemble protège la soufflerie des éventuels morceaux de projectile, et la boîte s’ouvre par le bas, ce qui permet de la nettoyer.
Les balles de ping-pong sont stockées dans un tube en plexiglas incliné (d’un diamètre de 50 mm pour une épaisseur de 6 mm, figure 2). Elles sont entraînées vers le flux d’air par simple gravité. Le prototype actuel peut contenir jusqu’à 11 balles, mais rien n’empêche d’utiliser un tube plus long ou de le compléter par une trémie d’alimentation. La rotation d’une came en plastique fait sortir les balles une par une. Une balle est libérée à chaque mouvement de bascule de la came, les autres restant bloquées mécaniquement. La came est maintenue dans sa position de base par un ressort de tension, et déplacée par un cordon relié à un servomoteur miniature (figure 3).
Ce mécanisme pourrait aussi servir à construire une machine à capsules Nespresso. Il y aurait plusieurs tubes côte à côte, un par arôme, et les capsules sélectionnées tomberaient sur un plateau. Je pense à cette idée depuis un certain temps, mais n’ai encore rien fait de précis. »
La balle qui roule hors du tube gagne le flux d’air sortant de l’entonnoir et se retrouve catapultée dans le grand tube vertical en plexiglas Sous certaines conditions aérodynamiques, il arrive que cette traversée dans le tube s’accompagne de ricochets contre la paroi, ricochets qui produisent alors un « cliquetis ». Deux bandes de feutre collées dans le tube évitent ce phénomène.
« Si le tube vertical était ouvert en haut, les balles seraient simplement projetées et finiraient par terre, sans être prises dans le flux d’air. Peut-être y a-t-il là le point de départ d’un distributeur de balles pour pongistes ? Quoi qu’il en soit la sortie du tube est bloquée par un obturateur à glissement latéral que commande un autre servo miniature (figure 4). Son ouverture libère la balle, qui s’élève alors sur une courte hauteur, oscille verticalement pendant un bref instant, puis se stabilise sur le flux d’air. Le ventilateur peut dès lors être modulé par MLI afin de rendre le comportement de la balle plus ou moins imprévisible. Une balle flotte entre 15 et 20 cm au-dessus de l’obturateur. J’ai tenté de supprimer le tube vertical, mais son absence déstabilisait la montée de la balle, et celle-ci quittait presque systématiquement le flux d’air avant d’atteindre l’obturateur. »
Ilse se sert de pistolets, mais on pourrait utiliser autre chose – p. ex. un arc et des flèches. Quelle que soit l’arme, mieux vaut par contre utiliser des balles de ping-pong très bon marché (et de couleur bien visible) puisque leur durée de vie risque d’être assez courte…
« À peine en avais-je terminé avec la partie mécanique que les pénuries de produits apparurent. Le ventilateur est actuellement indisponible, et il faut lui trouver un substitut. La partie électronique est moins sujette à problème puisqu’il n’y a que deux servos miniatures à commander (au sens électronique) et un signal MLI à produire pour le ventilateur. Le projet est pour l’instant en suspens, en partie à cause de la guerre en Ukraine. Je trouverais inopportun de sortir un jeu de tir au moment où les médias relatent tant de souffrances liées aux armes.
De toute façon je ne sais pas trop quelle direction donner à ce projet, ni s’il a un potentiel quelconque. Il faudrait à tout le moins ajouter une télécommande permettant de déclencher l’envoi d’une nouvelle balle, et éventuellement indiquer le nombre de balles restantes – nombre qui serait p. ex. déterminé avec des capteurs IR à réflexion placés sur le tube d’alimentation. On pourrait aussi ajouter un mode « flottement » et un mode « lancement », ainsi qu’un bouton permettant d’activer ou désactiver la soufflerie.
J’aimerais donc savoir si ce projet vous intéresse, vous lecteur ou lectrice, et si vous avez des suggestions à faire ou souhaiteriez des fonctions supplémentaires (ou différentes). Comme toutes les composantes mécaniques peuvent être facilement découpées au laser et collées, il devrait être possible de les proposer sous forme de kit. Seule la partie électronique est un problème – et le restera au moins jusqu’à la mi-2023. »
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(210591-04) Traduction : Hervé Moreau
Prévu pour l'édition de mai/juin 2023 d'Elektor