Un internet de l'énergie : une idée nippone (ni mauvaise)
Depuis l'accident de Fukushima en 2011, le Japon envisage l'arrêt progressif de ses centrales nucléaires. Solaire et éolien se substitueraient alors à l'uranium, mais peut-on raccorder une centrale solaire à un réseau comme on y branche un aspirateur ?
À l'instar de notre système européen, le réseau électrique japonais est centralisé et synchronisé. Sur un tel réseau, si une centrale fonctionne ne serait-ce que quelques secondes à une fréquence différente des autres, par exemple suite à un court-circuit, le synchronisme est rompu et provoque de fortes perturbations : oscillations de tension chez l'usager ou, pire, mise hors tension de toute une région. Selon des spécialistes japonais, l'interconnexion de centrales solaires ou éoliennes au réseau augmenterait la probabilité de ce genre d'incidents.
Pour accueillir ces énergies sur le réseau, la stratégie européenne est de prévoir leur intermittence. Selon les Japonais, un réseau adapté à la présence de génératrices vertes devrait plutôt ressembler à l'internet. L'idée est de subdiviser le réseau synchronisé en cellules, interconnectées de façon asynchrone par l'intermédiaire de « routeurs ». Les routeurs enverraient des « paquets » d'électricité à leurs destinataires via les lignes de transport existantes. Éoliennes, systèmes de stockage, panneaux photovoltaïques et autres éléments du réseau possèderaient tous l'équivalent d'une adresse IP. À l'intérieur des cellules, des « contrôleurs » seraient chargés de produire, absorber ou consommer les « paquets d'électricité verte » en fonction de la charge du réseau traditionnel, une façon de le stabiliser.
Quelques routeurs ont été construits. Ils comprennent un convertisseur de source de tension CC/CA, contrôlé par des transistors de type IBGT (Isolated Gate Bipolar Transistor), qui élève ou abaisse la tension à la volée, en fonction de la demande en électricité.
Le professeur Abe, principal défenseur de ce concept de « réseau numérique », a créé le Digital Grid Consortium en espérant y rallier les grandes compagnies d'électricité. Aucune ne l'a fait jusqu'à présent, mais le consortium compte six grands équipementiers, dont NEC.