minuterie robotisée d'infusion de thé alimentée par la chaleur de l'eau !
Lothar Göde (Allemagne)
Une minuterie thermoélectrique pour théière limite précisément le temps d’infusion du thé dans l'eau chaude et retire le sachet le moment venu. Que la mécanique nécessaire pour cela soit commandée par l’électronique, ça n’a rien d’extraordinaire, mais que diriez-vous de soutirer l'énergie requise à cet effet non pas d’une pile ou d’une alim, mais de la différence de température entre l’eau chaude pour le thé et l’air ambiant ? Ce serait une sympathique application des techniques modernes de récupération d'énergie.
J’ai découvert récemment dans un article la notion de récolte d'énergie, nouvelle pour moi. Un sujet intéressant et même passionnant. Peu après, par l’intermédiaire d'une association qui fournit du matériel aux jeunes pour les initier à l'électronique dans le cadre de leur éducation scolaire, j'ai reçu une trousse de collecte d'énergie ; au cœur de ce kit se trouve le LTC3108 de Linear Technology (désormais Analog Devices), un circuit intégré fascinant. Il se contente d’une tension continue de seulement 20 mV, sous laquelle en principe aucun transistor ni MOSFET ne consentirait à fonctionner, mais délivre une tension de sortie susceptible d’alimenter un microcontrôleur par exemple. Le LTC3108 pourrait donc fonctionner avec la faible tension qu’une thermopile ou un convertisseur thermoélectrique délivrent à partir d’une différence de température entre les deux parties dont ils sont composés.
Convertisseur thermoélectrique
Comme son l’indique, un convertisseur thermoélectrique transforme en énergie électrique une différence de chaleur, ou inversement transforme en une différence de chaleur l'énergie électrique fournie. Il se compose de deux matériaux semi-conducteurs isotropes, homogènes, avec un dopage différent (P/N) (fig. 1). Une application populaire de l'effet thermoélectrique, ou effet Peltier, sont ces mini frigos bon marché, branchés sur l'allume-cigare de votre voiture dont ils épuisent la batterie en moins de temps qu’il n’en faut pour refroidir convenablement la bière.
À l'inverse de l’effet Peltier, il y a l'effet Seebeck qui convertit une différence de température en énergie électrique. La tension délivrée par le convertisseur dépend des propriétés de ses matériaux thermoélectriques et, bien sûr, de la différence de température. Pour que le rendement soit optimal, l’intensité du courant demandé à un convertisseur thermoélectrique ne doit, tout comme pour un convertisseur thermovoltaïque d’ailleurs, causer qu’une faible chute de tension aux bornes du convertisseur : on parle de point de puissance maximale ou Maximum Power Point (MPP).
Thé chaud, thé froid ?
Pendant que j'expérimentais avec l'intéressant kit d'apprentissage, je buvais mon thé, ou plutôt j’oubliais de le boire tant j’étais absorbé par le sujet. Pour résoudre le problème du thé trop fort et plus assez chaud, je me suis posé la question suivante : la différence entre la température d'un verre d'eau bouillante et celle de l’air ambiant suffirait-elle, une fois convertie en énergie électrique, pour actionner un mécanisme qui retirerait le sachet du verre de thé en temps voulu ?
Pour y répondre, j'ai dû faire quelques expériences avec le convertisseur. Pour accélérer la dissipation de chaleur de la plaque froide du convertisseur, j’ai essayé un radiateur en alu d'unité centrale trouvée dans un tiroir. D'autre part, il faut tester différents verres à thé et matériaux conducteurs de chaleur avant d'obtenir un transfert de chaleur optimal du côté de la plaque chaude. Une fois ces problèmes résolus, la récolte d'énergie thermique obtenue en cinq minutes (le temps d’infusion) avec verre de thé rempli d'eau bouillante suffit au LTC3108 pour charger de manière fiable un condensateur électrolytique de 2200 μF (CSTORE de la fig. 2). Et l'électronique de commande peut faire son travail.
Mécanisme de transport
L'énergie récoltée est si limitée que tout composant vorace est exclu : notre minuterie à thé doit être frugale. Je commence par poser le verre à thé sur le convertisseur. Je mets le sachet ou la boule à thé dans la tasse. Je fixe l'étiquette du sachet à la pince qui pend au bout du fil du mécanisme de levage, maintenant en position basse (le sachet est dans l’eau).
Si le circuit de levage était alimenté normalement, on pourrait se contenter d'un moteur qui sortirait le sachet de l’eau pour mettre fin à l'infusion. Pas de ça ici : le fil (fig. 3) de levage passe sur une potence en demi-cercle. À l’autre bout, ce fil est solidaire d'un petit contrepoids (légèrement plus lourd qu'un sachet de thé trempé). Ainsi, au lieu de consommer de l’énergie, nous récoltons aussi l'énergie gravitationnelle. Comme le contrepoids est plus lourd que le sachet de thé, il doit être verrouillé par un pêne qui le bloque (dans la position basse du système de levage). De cette manière, il est inutile de fournir un courant soutenu, la commande pour libérer le pêne est électromagnétique et se contente d'une brève impulsion de courant.
Pour réaliser ce dispositif de verrouillage léger, j'ai modifié un relais en fixant le pêne sur le jeu de contacts du relais. Vous pouvez aussi utiliser un solénoïde linéaire. Pour éviter les éclaboussures de thé au moment où le sachet est extrait de l’eau, j'ai dû munir le contrepoids d'un amortisseur en caoutchouc.
Temporisateur et pilote microcontrôlés
Puisque notre mécanisme est si économe, nous pouvons nous permettre le luxe d’une commande de la minuterie à thé par un microcontrôleur ATmega169PA d'Atmel. Celui-ci dispose d'une commande d’afficheur LCD intégrée, ce qui facilitera le réglage du temps d’infusion. Notez qu’il est plus rentable pour le bilan énergétique d'utiliser la fonction d’affichage matérielle d'un µC que de l'émuler par du logiciel.
Je verse maintenant l'eau bouillante dans le verre à thé afin que le convertisseur délivre un peu d’énergie électrique au circuit de récupération qui à son tour fournira la tension d'alimentation du microcontrôleur. Après environ 30 secondes, le temps d’infusion clignotera sur l'afficheur. La plupart des thés doivent infuser environ 5 minutes. La valeur par défaut est 4’30.
Deux boutons connectés au µC permettent de régler le temps d’infusion souhaité. Si au bout de 12 secondes aucun bouton n’a été actionné par vous, l'afficheur cesse de clignoter et le compte à rebours du temps d’infusion commence au rythme des secondes.
Quelques secondes avant la fin retentit un signal sonore émis par le transducteur piézo : l’infusion est prête. Une fois le temps d'infusion écoulé, le µC envoie une impulsion à la bobine du relais, qui en s’activant libère le pêne de verrouillage : le contrepoids en descendant tire le sachet de thé hors du verre à thé en un mouvement amorti.
Le signal acoustique émis par le transducteur doit être émis un peu avant la fin du temps d’infusion afin de récolter encore un peu d'énergie pour être sûr d’exciter la bobine du relais. Tant que vous négligez ce signal sonore, la minuterie ne désarmera pas et couinera toutes les minutes. Pour la désactiver, il suffit d’appuyer sur un bouton. Ou de prendre en main votre verre bien chaud, l'alimentation électrique tombera alors en panne et la minuterie aussi.
Thé au logis
Je me suis bien amusé en cherchant à réduire à presque rien la consommation de cette énergie si minutieusement récoltée. Ceci passe par l’attention portée à la conception du matériel, mais aussi et surtout à la gestion de l'énergie par le progiciel du µC. Ainsi le microprogramme a-t-il été optimisé de telle sorte que l’intensité du courant requis lors du réglage du temps d'infusion ne fasse pas s’effondrer la tension d'alimentation du microcontrôleur. Voilà l’intérêt d’un tel exercice et j’espère qu’il vous apparaîtra aussi ! Et que cela vous inspirera à votre tour…
Cette minuterie d'infusion de thé pourrait être augmentée d’un module radio Bluetooth Low Energy (BLE) qui enverrait un message à un téléphone tactile lorsque le thé est prêt. On pourrait aussi lever le sachet de thé à l'aide d'un moteur pas-à-pas à économie d'énergie.
La photo du prototype n’en a peut-être pas l’air (fig. 4), mais cette minuterie d'infusion de thé à convertisseur thermoélectrique est bel et bien, contrairement à des produits commerciaux du même genre dotés d’une commande vieillotte, un appareil high-tech remarquable par l'utilisation de brillantes techniques modernes de récupération d'énergie. Un jour, nous serons libérés du changement incessant de piles et de l’esclavage de la recharge quotidienne des batteries de nos appareils. Quand nous saurons nous passer de piles et d’accumulateurs, nous nous passerons aussi des substances chimiques qu’elles renferment. Sauf le nettoyage, cet appareil ne nécessite aucun entretien. Ni aucune tension électrique, ce qui nous fait l’économie de mesures de protection. Parlez à vos amis de cette minuterie d'infusion de thé à convertisseur thermoélectrique, elle est unique !
Ce projet théologique a été publié dans le magazine Reichelt Elektronik.
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